Quelle place pour le nucléaire et les énergies renouvelables dans les trajectoires mondiales de neutralité carbone ?
Note d'analyse de l'Association négaWatt, sur la base des travaux du GIEC . Septembre 2020
De multiples leviers existent pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Pour le CO2 (qui représente environ deux-tiers des émissions), les principales actions envisageables sont : la réduction de la consommation d'énergie, le déploiement des énergies renouvelables - électriques ou issues de la biomasse -, et l'utilisation d'autres moyens décarbonés comme le nucléaire ou la capture et séquestration de carbone associées à la combustion d'énergies fossiles.
Ces différentes options ne présentent pas toutes le même niveau de soutenabilité au regard de l'ensemble des 17 objectifs de développement durable (ODD) - parmi lesquels figure la lutte contre le changement climatique, la protection de l'environnement, l'éradication de la faim et de la pauvreté, la protection de l'environnement, etc. - adoptés par l'ONU en octobre 2015, quelques semaines avant l'Accord de Paris. C'est ce qui ressort d'une évaluation de 23 actions de réduction des émissions de GES menée par le GIEC dans son « Rapport spécial sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5°C » :
- arrivent en tête les actions visant à réduire la demande d'énergie (sobriété et efficacité énergétique), à remplacer des énergies fossiles par des énergies renouvelables électriques ou encore à améliorer la gestion du bétail et du fumier ;
- viennent ensuite celles visant à renforcer l'usage de la biomasse, avec toutefois une très forte sensibilité aux conditions de mise en œuvre (environnement local, choix des espèces, modes de culture, usages, etc.) ;
- viennent en dernier celles recourant à la capture et séquestration du carbone (CSC), à la géo-ingénierie océanique et au nucléaire - cette dernière option étant même la moins bien notée parmi les 23. Si le nucléaire apparaît ici comme étant le levier de décarbonation le moins soutenable, il reste tout de même présent dans les quatre trajectoires proposées par le GIEC dans le résumé pour décideurs du Rapport spécial sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5 °C. Une analyse plus fine du rapport complet montre toutefois que la part du nucléaire dans le mix énergétique diminue dans la moitié des 90 scénarios qui sous-tendent les quatre trajectoires décrites par le GIEC. Plusieurs scénarios qui atteignent l'objectif 1,5 °C vont jusqu'à réduire le nombre de réacteurs en fonctionnement. À l'inverse, tous les scénarios respectant l'objectif 1,5 °C misent sur une augmentation des énergies renouvelables, notamment électriques. Les différents scénarios se distinguent également par le niveau de consommation d'énergie envisagé. On peut à ce titre remarquer que le recours au nucléaire et à la capture-séquestration de carbone est en fait inversement proportionnel au niveau d'action sur la maîtrise de la demande. Autrement dit, si les énergies renouvelables constituent le socle de toutes les trajectoires, le nucléaire et la capture-séquestration ne sont envisagés que lorsque la demande d'énergie est plus élevée. Si les quatre trajectoires principales proposées par le GIEC comportent toutes une part de nucléaire, d'autres options existent et permettraient de rester en-dessous des 1,5 °C sans utiliser ni cette technologie ni la capture-séquestration de carbone. Comment ? En combinant à la fois une réduction de la consommation et un recours ambitieux aux énergies renouvelables (électriques et bioénergies). Le recours même modeste au nucléaire ou à la capture et séquestration du carbone - options clairement identifiées par le GIEC comme étant les moins soutenables - n'est donc pas indispensable pour atteindre l'objectif 1,5 °C.